Comment gérer les grignotages émotionnels et crises de boulimie ?
Trop c’est trop… Vous en avez marre et c’est compréhensible. Vous savez que ces aliments ne sont pas sains, pourtant, vous ne pouvez pas y résister. Quoi que vous fassiez, les grignotages émotionnels reviennent.
Ça vous bouffe la vie.
Ils vous empêchent d’atteindre vos objectifs et minent votre confiance en soi. Mais vous ne savez pas comment y faire face.
À chaque fois, c’est un tsunami d’émotions qui déferlent en vous. Et vous ne pouvez rien y faire :
Une émotion déclenche une fringale. Cette fringale vous calme, mais elle a un arrière-gout de culpabilité. Et foutu pour foutu, vous vous empiffrez davantage…
Alors, comment vous sortir de ce cercle vicieux ? Comment vous libérer de ces fringales émotionnelles qui nuisent à votre silhouette et santé ?
Eh bien, c’est ce que j’ai demandé à une ancienne boulimique, Caroline, du blog silence je mange.
Alors d’où viennent ces grignotages émotionnels ? Quelles différences avec les crises de boulimie ? Et surtout : comment s’en sortir ?
Réponse tout de suite dans l’interview :
Pourrais-tu commencer par nous expliquer ce qu’est une crise de boulimie ?
La définition suivante est tout à fait personnelle, mais voici ce qu’est une crise de boulimie :
C’est quand on mange de façon très rapide une grande quantité de nourriture (la plupart du temps des aliments sucrés, gras et/ou « transformés ») sans apprécier les saveurs et sans avoir vraiment faim.
On mange jusqu’à être « gavée » et ensuite on se sent coupable.
Est-ce que pour toi, tu vois une différence entre une crise de boulimie et des grignotages émotionnels ?
La différence serait plutôt d’ordre quantitatif.
Dans une crise de boulimie, il y a une grande quantité d’aliments ingérés en peu de temps, alors que pour le grignotage la quantité serait peut-être plus étalée dans le temps et moins importante, mais à vrai dire je pense que les deux sont assez proches…
Quel âge avais-tu lors de ta première crise, et qu’est-ce qui l’a déclenchée ?
Je devais avoir 13 ans. J’ai vécu une grande déception amoureuse et j’ai commencé à compenser en mangeant en cachette…
Je ne peux pas vraiment donner une date précise, mais l’effet apaisant de la nourriture était nécessaire pour moi et l’est devenu de plus en plus par la suite.
Avec le temps, as-tu repéré des schémas émotionnels qui provoquaient des crises ?
Oui et non, c’est-à-dire que finalement toutes les émotions peuvent déclencher des crises.
En fait, il y a une telle sensibilité aux émotions que l’on n’arrive pas à y faire face, donc on se cache dans l’alimentation « doudou ». Le schéma en version simplifiée serait celui-ci :
Situation donnée → pensées (scénario catastrophe) → émotions → action → résultat
Avec un exemple concret, voici ce que ça donnerait :
- Mes enfants se disputent (= situation donnée).
- Je pense « Mes enfants se disputent tout le temps, ils me rendent folle, qu’est-ce que j’ai fait pour qu’ils soient si mal élevés, je suis une mauvaise mère, ils vont mal finir… (= scénario catastrophe)
- Je me sens honteuse, inadéquate, découragée, etc. (= émotions).
- Je mange du chocolat pour apaiser des émotions qui me semblent ingérables (= action).
- Résultat : je me sens apaisée pour un temps assez bref, mais après coup je me sens coupable d’avoir trop mangé, ce qui peut conduire à une autre crise et donc à un cercle vicieux.
À ton avis, pourquoi as-tu fait ta première crise de boulimie ? Quel était ton but ?
Je pense que derrière ce rapport malsain à la nourriture il y a une incapacité à gérer ses émotions, une très grande sensibilité à celles-ci.
Le but de la nourriture est de se sentir réconfortée.
En réalité, dès notre naissance, la nourriture est très liée au sentiment de bien-être, de plénitude. Derrière les crises de boulimie, il y a ce désir de retrouver ce moment de notre vie où tous nos besoins étaient comblés par les autres.
Peux-tu nous dire comment se passe une crise de boulimie ? Qu’est-ce qu’on ressent ?
Il y a d’abord ce sentiment d’urgence, de faim subite et incontrôlable. On veut manger tout de suite, et des aliments bien spécifiques (une carotte ne fera pas l’affaire…).
J’imagine que chaque personne boulimique aura ses préférences, mais ce sera certainement des aliments à indice glycémique élevé (pour que le sucre passe rapidement dans le sang et fasse un effet « transe »).
Ensuite on se met à manger très rapidement, on engloutit littéralement tout ce qui se trouve dans les placards jusqu’à être complètement gavée, on se sent mal. On a mal au ventre, mais en même temps on « plane », les problèmes semblent loin, on se sent dans une bulle, soulagée.
À l’époque, comment te sentais-tu dans ton corps ?
Très mal. Je me sentais trop grosse, moche, indigne d’être désirée ou aimée.
Il y a un rapport très fort entre une mauvaise image de soi et les troubles du comportement alimentaire. C’est très lié. Je dois avouer que cette relation à mon propre corps est encore en reconstruction.
As-tu fait des régimes ?
Oui, malheureusement ! J’ai essayé beaucoup de régimes différents.
Quels impacts ces régimes ont-ils eus sur ta boulimie ?
Les régimes ont aggravé les crises puisqu’elles sont devenues encore plus violentes. Plus je me restreignais, plus mes crises devenaient incontrôlables et graves.
Certaines pouvaient durer plusieurs jours pendant lesquels je n’avais envie de manger que de la « malbouffe ».
Lors de ces périodes où tu alternais entre les phases de restrictions et boulimiques, comment voyais-tu les aliments ?
Je les voyais comme « méchants » ou « gentils ».
Les aliments que je voyais comme sains étaient les bons aliments (les légumes, les fruits, les plats équilibrés…) et tout le reste était mauvais et donc à éviter absolument.
Le problème c’est que dès que je craquais, je me disais « Foutu pour foutu, autant en profiter… » et les crises recommençaient de plus belle.
Où as-tu trouvé du soutien ?
Je fais partie d’une communauté protestante évangélique.
J’ai trouvé du soutien auprès de l’épouse de mon pasteur qui m’a beaucoup aidée. Une autre femme de ma communauté, qui est psychologue, m’a aussi soutenue.
J’ai aussi rencontré d’autres femmes qui étaient dans la même situation que moi, dont une Américaine qui est devenue une amie très proche et nous sommes souvent en contact pour nous entre-aider.
Qu’as-tu fait pour t’en sortir ?
J’ai demandé de l’aide !
Ça semble tellement basique, mais c’est très difficile d’avouer que l’on a ce problème avec la nourriture, c’est « tabou » je pense, et on a tellement honte qu’on ne veut pas en parler. Pourtant c’est vraiment la première étape pour s’en sortir. Il faut en parler.
Combien de temps ça a pris ? As-tu fait des rechutes ?
C’est un processus très long. C’est pour ça que les régimes semblent attrayants, on se dit que ça ira vite, que le résultat sera visible très rapidement.
Par contre pour sortir d’un trouble du comportement alimentaire, c’est tout autre chose !
C’est beaucoup de travail en profondeur. Il faut démêler tout ce qui peut provoquer ces crises, et certaines situations peuvent être assez complexes. Il peut même y avoir des moments où l’on pense que ça empire quand on fait ce travail sur soi !
Je pense que ça a mis des mois et des mois pour que ça s’améliore. Les rechutes sont inévitables, je pense, parce qu’il s’agit d’un grand travail sur soi. C’est comme une reconstruction d’une partie de nous.
Aurais-tu un message pour les femmes qui souffrent de crises de boulimie ?
J’aimerais leur dire de ne pas rester seules. D’oser demander de l’aide.
Parce qu’elles ne sont pas seules.
Les crises ne sont qu’un symptôme qu’il faut oser écouter pour comprendre ce dont on a vraiment besoin.
Il y a aussi un vrai danger à rester seule dans ces troubles du comportement alimentaire parce que cela peut empirer au fur et à mesure du temps et de différentes situations que l’on traverse.
Le déséquilibre alimentaire peut être si important qu’il peut induire des carences en vitamines, oligo-éléments, etc. La consultation d’un professionnel de la santé est nécessaire et l’idéal serait de faire appel à un spécialiste des troubles du comportement alimentaire.
Personnellement, je n’ai malheureusement jamais trouvé d’aides dans le domaine médical.
Quand j’en ai parlé à un médecin généraliste, il s’est contenté de me dire que j’étais simplement gourmande… Et a ajouté que ce serait peut-être utile de voir un psychologue. Je pense qu’il n’était pas conscient de ma détresse à ce moment-là. Étant donné que je n’ai jamais eu un énorme surpoids, je pense qu’il ne m’a pas vraiment prise au sérieux…
Aujourd’hui, comment gères-tu les grignotages émotionnels ?
C’est tout un programme !
La première chose c’est de comprendre le schéma dont j’ai parlé ci-dessus. Comprendre quelle situation provoque quelles pensées et déconstruire le discours intérieur qui génère ces émotions si fortes.
Donc je me parle à moi-même !
Je me dis « Là, tu te sens… parce qu’il s’est passé… et que tu penses… ». Puis je m’interroge sur mes besoins insatisfaits, puisque toute émotion correspond à un besoin insatisfait.
Il existe une « roue des émotions » qui peut être utile pour mettre des mots sur les ressentis et les besoins insatisfaits. J’en ai justement créé une qui est téléchargeable gratuitement sur mon blog, si ça peut aider quelqu’un…
Vous allez arriver à gérer les grignotages émotionnels
Le témoignage de Caroline est très intéressant et donne de l’espoir.
Oui, c’est difficile.
Oui, vous aurez des moments de doutes.
Et oui, vous aurez parfois l’impression de reculer.
Mais c’est possible.
Vous pouvez vous sortir des grignotages émotionnels et des crises de boulimie. Peu importe que vous ayez l’impression d’être au fond du gouffre, ou que personne ne vous prend au sérieux.
Vous devez en parler et vous faire aider. Vous allez forcément trouver une personne compétente.
En attendant, comme le souligne Caroline, les grignotages émotionnels résultent d’une difficulté à gérer vos émotions ainsi qu’une grande sensibilité à leur égard.
Rassurez-vous, ça s’apprend.
Et vous pouvez d’ores et déjà commencer par utiliser la roue des émotions que vous pouvez télécharger gratuitement sur le site de Caroline : https://silencejemange.com/la-roue-des-emotions/